Yu Jen-chih, un regard gourmand sur le monde par Michel Bohbot / mai
Comme son grand aîné Cézanne qui rêvait d’unir les collines aux courbes des femmes, Yu Jen-chih pose un regard sur le monde particulier et plein d’acuité. Splendide travail sur les signes, les rythmes et la lumière. Inventaire généreux de la nature et de ses composantes : le dur, le mouvement, le stable, l’écorce et le rocher, l’eau et les changements du ciel à peine perceptibles.
Yu nous parle de la « grande réalité », intouchée, indéfaite ; il nous en parle doublement, en peintre-plasticien et au poète. Il stigmatise pour nous la présence des choses et de notre entourage, tout ce que, pauvres aveugles, nous ne voyons pas et en tout cas, pas comme lui perçoit, ressent et transmet. Il capte l’unité et l’évidence de l’univers. Dans l’espace de son discours, il donne un sens nouveau aux signifiants de notre quotidien, bouleverse leur lecture et décompose l’immédiat.
Yu ne traque pas la lumière, il travaille avec elle, avec sa matière et sa réalité même. Voyez les reflets sur la roche, sur les trones, dans et à travers les feuillages. Notations graphiques mais sensorielles : il entend les oiseaux pépier dans la ramure, on voit la rivière serpenter entre les pierres, s’éloigner avant de s’éffacer. L’eau et ses bruits, babil étouffé.
Ecoutons avec les yeux sa poésie, captons son intuition face « au grand tout », retenons l’harmonie parfaite des formes, gardons dans le coeur et la rétine ses leçons de silence, de paix et sa façon « d’être au monde ». Message intemporel entre l’absolu et l’instant présent.
Les oeuvres de Yu sont attachantes, elles comportent bien plus que nous y voyons ; entre dépouillement et intensité, chacune est paysage complet. C’est sous ma plume le grand des compliments pour un artiste encore jeune, ayant tout l’avenir devant lui. A vous d’avoir l’intelligence de le suivre dans son brillant parcours futur.
Michel Bohbot
Expert en Art contemporain
Historien de l’Art